En mai, le Global Detention Project (GDP) a aidé une délégation officielle du Ministère norvégien de la Justice à visiter le centre de détention de Frambois à Genève, en Suisse. La délégation était composée de membres du Conseil norvégien de surveillance des expulsions forcées et de la détention des migrants qui surveille les opérations au centre de détention pour migrants de Trandum, situé près d’Oslo.
Le Conseil, dirigé par le juge de la Cour d’appel Pål Morten Andreassen, était intéressé par la visite du centre de Frambois sur la base des recommandations formulées par le GDP dans le rapport datant 2018, « Harm Reduction in Immigration Detention: A Comparative Study of Detention Centres in France, Germany, Norway, Sweden, and Switzerland ». La Croix-Rouge norvégienne avait chargé le GDP de produire ce rapport afin d’aider à la promotion de pratiques susceptibles de réduire les dommages causés par la détention des migrants. Depuis sa publication, de nombreuses recommandations du rapport ont été répétés dans les programmes de réforme adoptés par des groupes issues de la société civile ainsi que par le Conseil de surveillance du ministère de la Justice.
Un point d’intérêt majeur pour le Conseil de surveillance a été la comparaison entre le régime de détention relativement humain de Frambois et l’établissement hautement sécurisé de Trandum, qui a fait l’objet d’un critique publique en Norvège en raison de sa gestion par une unité de police spéciale et de nombreux incidents de violence. L’établissement de Frambois, officiellement appelé Établissement Concordataire de Détention Administrative de Frambois, est géré par une fondation non gouvernementale créée par plusieurs cantons suisses dans le but de détenir les migrants en procédure d’expulsion. Bien que les opérations à Frambois aient été critiquées, y compris les périodes parfois longues pendant lesquelles les personnes peuvent y rester, l’établissement est bien connu en Suisse pour avoir des pratiques beaucoup moins dures et punitives que celles des autres centres de détention en Suisse. Le centre a également fait l’objet d’un documentaire primé en 2011 Vol spécial, qui a retenu l’attention publique pour son portrait intime de la vie quotidienne des détenus de Frambois confrontés à des expulsions forcées.
Sur la base d’un examen minutieux des opérations à Frambois, ainsi que dans plusieurs autres centres de détention à travers l’Europe, le GDP a proposé un certain nombre de réformes que peuvent être prises en compte par la Croix-Rouge norvégienne dans son plaidoyer concernant Trandum. Une proposition clé était de retirer l’unité de police spéciale de Trandum, qui a un aspect militariste à la fois dans ses opérations et son apparence, et de céder, à la place, la responsabilité de gestion de l’établissement à une agence de protection sociale. Ce basculement a été observé, par le GDP, dans d’autres centres de détention, comme par exemple au Centre de détention d’Ingelheim en Allemagne. Le rapport a également mis en évidence de nombreuses pratiques à Frambois qui pourraient aider à prévenir les préjudices et à réduire les tensions à Trandum, notamment en permettant aux détenus de préparer leurs propres repas, en encourageant les interactions entre le personnel et les détenus et en élargissant les activités pour les détenus.
Le Conseil de surveillance était intéressé d’observer directement nombre de ces pratiques et a donc contacté le GDP pour s’enquérir de la possibilité d’organiser une visite au centre de détention. Le GDP a alors contacté l’Office cantonal de la population et des migrations de Genève, qui a autorisé une visite de Frambois du Conseil de surveillance et du personnel du GDP. Cette visite a été dirigée par le directeur de Frambois, Francesco Bruscoli, et comprenait une visite complète de l’établissement ainsi que des rencontres avec les membres du personnel et les détenus. Avant la visite, qui a eu lieu le 26 mai, le GDP a organisé une rencontre entre le Conseil de surveillance et l’ONG locale qui surveille Frambois, La Ligue Suisse des droits de l’Homme. Le but étant de sensibiliser la délégation aux principales préoccupations de la société civile concernant le traitement des détenus à Genève et ailleurs en Suisse.
À la suite de sa visite à Frambois, le Conseil de Surveillance a écrit au GDP pour souligner les pratiques clés qui, selon lui, pourraient servir de base aux réformes de Trandum, notamment :
Modifier l’apparence des gardes et du personnel de Trandum pour qu’ils paraissent moins agressifs :
- Élargir l’accès des détenus à internet ;
- Permettre aux détenus de préparer leurs propres repas ;
- Encourager les interactions entre le personnel et les détenus, y compris le partage des repas ensemble, et en général améliorer leurs relations ;
- Limiter l’utilisation des cellules de sécurité ;
- Séparer les autorités d’expulsion de la direction de le centre de détention (à Frambois, l’équipe ne joue aucun rôle dans le processus d’expulsion) ;
- Donner au personnel la capacité d’être flexible et d’adapter ses pratiques en fonction des besoins des détenus ;
- Fournir des activités significatives et continues aux détenus, comme un travail rémunéré, qui sont absentes à Trandum.
Un thème récurrent lors de la visite du Conseil de surveillance à Genève – y compris dans les conversations avec le GDP, les groupes de la société civile locale et le personnel de Frambois – a été le défi plus large de savoir comment proposer des réformes significatives pour les régimes de détention des migrants. Le GDP soutient depuis longtemps que la détention des migrants représente un pouvoir exceptionnel qui devient facilement arbitraire et néfaste. Ainsi, dans notre travail, nous avons toujours soutenu – y compris dans notre rapport “Harm Reduction in Immigration Detention” – qu’il est impossible de promouvoir les “meilleures pratiques” dans un domaine de politique publique comme la détention d’immigrants si elle est intrinsèquement préjudiciable. Tout en reconnaissant que même dans un établissement comme Frambois, il y a des défis à relever, le Conseil de surveillance a néanmoins conclu que pour ses besoins, la visite a fourni des idées importantes sur la manière d’améliorer le traitement des détenus en Norvège.